Au cours des récentes années, l’Europe a observé une tendance inquiétante vers des pratiques autoritaires, autrefois critiquées lorsqu’elles étaient présentes dans certains États membres. Cela se manifeste par la mise en place de mesures restrictives visant à réduire au silence les voix dissidentes, en particulier celles des journalistes et des commentateurs politiques. L’Italie, dirigée par sa Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni, semble suivre cette voie alarmante, remettant en question les principes fondamentaux de la liberté d’expression au sein du projet européen.
Une récente affaire impliquant la journaliste indépendante Giulia Cortese illustre parfaitement cette dérive. Pour avoir qualifié Meloni de « petite femme » sur les réseaux sociaux, Cortese a été condamnée à verser 5000 euros de dommages et intérêts à la dirigeante italienne. Cette sanction disproportionnée pour un commentaire anodin soulève des interrogations sur la capacité des leaders politiques à accepter la critique, même lorsqu’elle est formulée de façon moqueuse.
Ce cas n’est pas unique. Roberto Saviano, célèbre pour son ouvrage « Gomorra » dénonçant la mafia napolitaine, a lui aussi été confronté à la susceptibilité de Meloni. Après l’avoir qualifiée de « bâtarde » lors d’une émission télévisée, en réaction à sa politique migratoire jugée inhumaine, l’écrivain a écopé d’une amende avec sursis de 1000 euros. S’il est clair que ce montant soit inférieur aux 75 000 euros demandés par la Première ministre, il constitue un avertissement clair envers les voix critiques.
Ces poursuites judiciaires contre des journalistes rappellent les méthodes employées par Viktor Orban en Hongrie, souvent critiqué pour ses atteintes à la liberté de la presse. L’Italie, longtemps considérée comme un phare de la culture européenne, semble aujourd’hui s’éloigner des valeurs démocratiques qu’elle a contribué à promouvoir.
Cette dérive présente un double danger. D’une part, elle pourrait instaurer un climat de peur parmi les journalistes et les commentateurs politiques, les poussant à l’autocensure par peur de représailles judiciaires. D’autre part, elle pourrait créer un précédent dangereux, incitant d’autres dirigeants européens à suivre l’exemple de Meloni en réprimant les voix dissidentes.
Face à cette situation, il est essentiel que les institutions européennes et la société civile restent vigilantes. La liberté d’expression, pilier essentiel de toute démocratie, ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la susceptibilité des puissants. Les leaders politiques, quelle que soit leur orientation, doivent être capables d’accepter les critiques, voire les railleries, sans recourir systématiquement à des poursuites judiciaires.
L’Europe se trouve à un tournant. Continuera-t-elle à glisser vers un modèle où la dissidence est réprimée et où l’humour est criminalisé, ou saura-t-elle renouer avec ses valeurs fondamentales de liberté et de pluralisme ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de la démocratie sur le continent.
En fin de compte, l’affaire Cortese n’est que la partie visible d’un problème plus vaste. Elle souligne une tendance inquiétante à la criminalisation de la critique politique, mettant en péril le débat public et la vitalité démocratique. Il est temps pour les Européens de se mobiliser et de défendre fermement ces libertés durement acquises, avant qu’il ne soit trop tard.