La diaspora africaine joue un rôle économique crucial pour de nombreux pays du continent. Chaque année, des millions de travailleurs expatriés envoient une partie substantielle de leurs revenus à leurs familles restées au pays. Ces transferts financiers représentent une manne considérable pour les économies locales, dépassant souvent l’aide au développement et les investissements directs étrangers. Ils contribuent à réduire la pauvreté, à financer l’éducation et la santé, et à stimuler la consommation et l’investissement. Pour certains États, ces fonds constituent une source vitale de devises étrangères, renforçant leurs réserves et stabilisant leur balance des paiements. Cependant, cette dépendance expose aussi les pays bénéficiaires aux aléas économiques et réglementaires des pays d’accueil de leur diaspora.
Une nouvelle directive de l’Union européenne sur les banques étrangères suscite de vives inquiétudes au Maghreb, notamment au Maroc. Cette réglementation, initialement conçue pour encadrer l’activité des banques britanniques post-Brexit, s’applique également aux établissements financiers non-européens opérant dans l’UE. Les banques marocaines, présentes dans sept pays européens et facilitant les transferts d’argent de la diaspora, se trouvent dans le collimateur de cette mesure.
Les autorités marocaines redoutent un impact négatif sur les flux financiers en provenance de l’Europe, qui constituent un pilier de l’économie nationale. Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale du Maroc, a récemment exprimé ses préoccupations lors d’une conférence de presse. Il craint que la mise en œuvre de cette directive ne freine considérablement les transferts d’argent de la diaspora marocaine, avec des répercussions potentiellement dévastatrices sur l’économie du pays.
Face à cette menace, le Maroc a engagé un dialogue soutenu avec les instances européennes. Le ministère des Affaires étrangères, celui de l’Économie et des Finances, ainsi que la Banque centrale multiplient les échanges avec la Commission européenne et sa direction générale de la stabilité financière. L’objectif est de parvenir à une application nuancée de la réglementation, qui préserverait les intérêts vitaux du Maroc tout en respectant le cadre légal européen.
Ces pourparlers s’étendent également aux pays où la diaspora marocaine est fortement implantée : France, Espagne, Italie, Belgique et Pays-Bas. Un nouveau cycle de négociations est prévu pour le dernier trimestre de l’année, témoignant de l’urgence de la situation. Les autorités marocaines espèrent obtenir des aménagements qui permettraient aux banques du royaume de poursuivre leurs activités en Europe sans entraves majeures.
L’importance de ces transferts pour l’économie marocaine ne peut être sous-estimée. Entre 2020 et 2023, ces flux financiers ont connu une croissance annuelle moyenne de 19%, atteignant 115,3 milliards de dirhams en 2023. Pour les sept premiers mois de 2024, ils ont déjà dépassé 68 milliards de dirhams, en hausse de 3,3% par rapport à la même période de l’année précédente. Les projections pour 2025 tablent sur un montant de 121,8 milliards de dirhams.
La France reste le principal pays d’origine de ces transferts, suivie par l’Espagne, l’Arabie saoudite et l’Italie. Cette diversité géographique souligne l’étendue de la diaspora marocaine et son rôle de pont économique entre le Maroc et le reste du monde. Toutefois, elle expose aussi le pays aux fluctuations politiques et économiques de ces nations d’accueil.
La montée de l’extrême droite dans certains pays européens ajoute une couche supplémentaire d’incertitude. Les politiques migratoires restrictives et les discours hostiles à l’immigration pourraient, à terme, affecter la capacité de la diaspora à envoyer de l’argent au pays.
Cette évolution politique en Europe représente un défi supplémentaire pour le Maroc dans sa quête de préservation de cette manne financière vitale.