L’Alliance des États du Sahel (AES), créée en septembre 2023 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, représente un changement majeur sur le plan géopolitique dans la région sahélienne. Cette coalition, née de la volonté commune de trois pays dirigés par des juntes militaires, vise à renforcer leur souveraineté et à coordonner leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme. Fruit d’une frustration croissante envers les partenaires occidentaux traditionnels, l’AES incarne la recherche d’alternatives stratégiques et de nouveaux alliés à l’échelle internationale.
Dans ce contexte de redéfinition des alliances, la Turquie émerge comme un acteur clé, prêt à combler le vide laissé par le retrait progressif des puissances occidentales. Le 17 juillet, une délégation turque de haut niveau, dirigée par le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan, s’est rendue à Niamey pour des entretiens cruciaux avec le général Abdourahamane Tiani, chef de la junte nigérienne. Cette visite, qui a également réuni les ministres turcs de la Défense et de l’Énergie, ainsi que le chef des renseignements, témoigne des ambitions d’Ankara dans la région.
L’intérêt de la Turquie pour le Niger s’inscrit dans une stratégie plus large visant à étendre son influence en Afrique. Forte de son expertise dans l’industrie de la défense, notamment avec ses célèbres drones Bayraktar, Ankara se positionne comme un partenaire de choix pour les pays du Sahel confrontés à la menace djihadiste. Le ministre Fidan a clairement exprimé les intentions de son pays en déclarant : « Nous avons discuté avec le Niger de ce qui peut être fait pour améliorer l’industrie de défense et le renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme », mettant en avant la stabilité africaine comme une priorité pour la Turquie.
Cette approche pragmatique trouve un écho positif auprès des autorités nigériennes. Le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine a salué le « dynamisme de la coopération avec la Turquie », notamment dans le domaine de la défense. Cette collaboration pourrait s’étendre au-delà du Niger, les drones turcs devenant des atouts majeurs pour les armées malienne et burkinabè, alliées de Niamey au sein de l’AES.
L’entrée de la Turquie dans le paysage sahélien s’inscrit dans un mouvement plus large de diversification des partenariats internationaux par les pays de l’AES. Après s’être tournés vers d’autres acteurs tels que la Russie et l’Iran, ces nations cherchent à renforcer leurs liens avec des alliés nouveaux. Ce réalignement géopolitique n’est pas sans conséquences, avec le retrait des troupes françaises du Niger fin 2023, celui des troupes américaines prévu pour septembre, et la fin de la coopération militaire allemande en août, invoquant un manque de fiabilité dans les relations bilatérales.
Ce changement stratégique intervient dans un contexte où la menace sécuritaire demeure très présente dans la région. Les récentes attaques soulignent l’urgence de trouver des solutions efficaces contre les groupes djihadistes. Dans ce cadre, l’offre turque d’une coopération renforcée en matière de défense et de renseignement pourrait séduire les dirigeants de l’AES, désireux de reprendre le contrôle de leur destin sécuritaire.